Une page d’«Un Devoir de mémoire» (Editions Alphée Jean-Paul Bertrand, 2008).
Dans les années 1950, avant qu’on ne bâtisse le Mémorial du Martyr juif inconnu, dans le Marais (aujourd’hui Mémorial national de la Shoah) et le Mémorial de la Déportation, derrière Notre-Dame, les déportés se recueillaient au Père-Lachaise, devant des cénotaphes consacrés à chacun des camps. Cela se passait au printemps. Dès que j’eus l’âge de raison, mon père – qui avait été déporté à Auschwitz de 1942 à 1945 – m’y emmena. L’un de ces monuments m’intriguait : une forme humaine en granit gris, sans face ni membres. Je demandai à mon père : « Pourquoi on ne lui a pas fait de visage ? » Il me répondit : « Parce que dans les camps, nous n’avions plus de visage. »
Un hiver, mon père me montra une cheminée de briques, au-dessus des toits de Paris, d’où montait une mince fumée blanche : « Tu vois, la cheminée du crématoire, c’était comme ça. » (Quand j’ai vu pour la première fois la seule cheminée qui subsiste à Auschwitz, je l’ai reconnue.) Continuer la lecture de [Témoignage] Noël à Auschwitz – Michel Gurfinkiel →