La Seconde Guerre mondiale fut, comme toutes les guerres, une sombre période pendant laquelle beaucoup de vies ont été brisées et de nombreuses familles séparées.
C’est le cas de Marta, jeune femme suisse allemande, qui a connu son premier grand amour, Albert Schmitt (1915-1944), chez elle en Suisse. En 1940, Albert est en effet réfugié en Suisse, son régiment venant d’essuyer une attaque allemande. Lors d’une fête de village, les deux jeunes gens se rencontrent et tombent éperdument amoureux. Ils se fiancent très vite. Très épris l’un de l’autre, main dans la main, ils arpentent les versants suisses et ont toutes les peines du monde à se quitter.
Marta et Albert regardant ensemble l’avenir1
En attendant, pour Marta, il faut rester en Suisse tandis qu’Albert regagne la France, plus précisément à Lyon, pour terminer ses études. Quelque temps plus tard, il devient enseignant de dessin industriel et exerce à La Prat’s et aux Arts et Métiers.
Séparés, les jeunes gens ne purent que correspondre et chacune de leur lettre était numérotée pour s’assurer qu’aucune ne tombe dans des mains ennemies. À La Prat’s, Albert rencontre Marie-Louise Zimberlin. Liés par la foi -ils sont tous deux de religion protestante- Marie-Louise prend sous son aile son jeune collègue. Et Albert rejoint celle qui est entrée en résistance depuis l’appel du général de Gaulle, dans le mouvement Franc-Tireur2.
Albert Schmitt dans sa maison à Cluny3
Nous sommes en 1944. Les bans sont publiés, le mariage imminent et les familles se réjouissent de cette union. Albert a préparé la maison4 qui doit accueillir sa jeune fiancée. Mais, en ce terrible mois d’août de 1944, tout bascule.
En effet, Albert s’est retrouvé à la tête d’un groupe d’hommes avec Jean Livrozet. Lors de la bataille du Bois-Clair, le « lieutenant Schmitt » est tué pendant une mission de reconnaissance sous les balles allemandes le 11 août 1944, près de Bourgvilain.
Stèle d’Albert Schmitt, Bourgvilain5
Marta n’apprend la nouvelle que quelques mois plus tard et ne peut donc assister aux funérailles de son fiancé, enterré à Cluny au carré militaire.
Marta eut du mal à continuer seule le chemin mais elle se maria dans les années 70 avec Mr Baumgartner qui n’ignorait rien du premier amour de sa femme. À la mort de ce dernier, ne pouvant oublier son fiancé clunisois, notre chère Marta partit dans une véritable quête d’Albert, accompagnée de son amie Regula. Lors de leur première venue à Cluny, Guy Belot envoya Marta chez Chantal Clergue. Retrouvant la photo d’Albert dans le livre La Prat’s un lycée à Cluny6, dès lors le fil était renoué.
À partir de cette date, tel un pèlerinage, Marta revint deux fois par an, pour assister à différentes cérémonies (notamment celle de la bataille du 11 août), pour se ressourcer et se recueillir auprès de son amour de toujours. Et pour le rejoindre définitivement, Marta a même décidé de faire déposer une partie de ses cendres au cimetière de Cluny.
Depuis cette première rencontre, de nombreux Clunisois sont fascinés par cette histoire hors du commun, hors du temps et ils lui apportent toute leur aide dans cette quête. Quant à la municipalité, elle a remercié « la fiancée du lieutenant Schmitt » pour ses généreux dons en la faisant citoyenne d’honneur de Cluny.
Lorsqu’on rencontre pour la première fois Marta, nous sommes frappés par ses yeux qui s’illuminent à chaque évocation d’Albert…
Marta le 3 octobre 2015 posant avec une citation de Primo Levi7
La guerre a permis à deux âmes sœurs de se trouver mais elle les a séparées trop brusquement. Leur histoire doit nous convaincre, nous les jeunes, qu’un amour sincère est toujours plus fort que tout.
1 Archive privée, Marta Baumgartner.
2 Sur l’engagement de ML Zimberlin, voir l’article de C. Clergue : Les deux Marie-Louise.
3 Archive privée, Chantal Clergue.
4 Actuellement, la maison appartient à la famille Dumas.
5 Archive privée, Annie Dufy.
6 Clergue Chantal. La Prat’s, un lycée à Cluny, 1893-1946. Cluny : JPM éditions, 2004, 176 p.
7 Photo : ©Léa Aujal https://www.youtube.com/watch?v=fkuiBM7CMqA
Amanda Condemine, 1ère STI2D
Depuis notre rencontre avec Marta, c’est chaque semaine que nous conversons et lui relatons les dernières nouvelles de Cluny, sa ville adoptive. Elle suit très attentivement tous les articles de votre blog que nous ne manquons pas de lui transmettre.
Dès qu’elle le pourra, elle sera ravie de vous rencontrer pour vous féliciter de votre magnifique travail. Certains ou certaines font beaucoup d’efforts, dommage que d’autre s restent dans l’ombre? Les absents ont toujours tort……
Le travail des lycéens est toujours aussi remarquable. Leur projet les emmène dans de multiples directions, mais avec une grande cohérence. On imagine tout ce qu’ils vont retirer de leurs recherches et de la réflexion qu’ils conduisent sur un sujet aussi profond et aussi grave.
Quand on publie une recherche, aussi modeste soit-elle, on ne sait jamais quelles en seront les retombées. En rencontrant Marta, venue pour retrouver les traces d’Albert, j’ai compris quel était le prix de ce petit ouvrage pour elle.
Marta et moi, ce fut une merveilleuse rencontre, chargée de beaucoup d’émotion, une rencontre qu’on oublie pas.
Quelle histoire touchante !