Le contrôle de l’opinion publique en Cote d’Or pendant la guerre.

Durant cette guerre totale le contrôle de l’opinion, à la fois des soldats mais aussi des civils, est omniprésent. Le temps de guerre est propice aux rumeurs de toutes sortes mais aussi aux critiques sur la conduite de la guerre.

Les premières rumeurs apparaissent dès la fin de l’été 1914. On les appelle bobards, fausses nouvelles, faux bruits ou nouvelles alarmistes. Les services de police ou de gendarmerie font toujours une enquête destinée au préfet, afin d’établir la vérité des faits.

Les documents d’archives sont extraits des ADCO série SM 3518.

Dossier « fausses nouvelles » de la Préfecture de Côte-d’Or

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Courrier du sous-préfet de Beaune du 11 septembre 1914

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Les nouvelles qui ont circulé dans l’arrondissement de Beaune sont particulièrement optimistes. L’armée allemande « serait en déroute ». Le contexte est celui de la victoire de la Marne et la retraite partielle des armées allemandes commandées par Von Moltke. Par conséquent cette rumeur s’appuie sur un élément vrai.

Toutefois, elle est très exagérée et dénote très certainement le sentiment profond d’une partie de la population de croire encore à la victoire rapide promise par l’Etat-major au début du conflit.

Copie d’une dépêche qui aurait été lancée par un agent de train

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Si les gares sont souvent les endroits privilégiés du départ des rumeurs, un autre lieu de sociabilité en constitue la seconde matrice. Il s’agit des cafés fort nombreux à l’époque.

Deux exemples sont révélateurs de ce point. En décembre 1917, un dénommé Charles Salomon, entré au café des Halles à Beaune « pour boire une chopine », fait l’objet d’une enquête de police pour avoir propagé « des nouvelles alarmistes ». Un témoin rapporte lui « avoir entendu dire à très haute voix : les ouvriers sont en grève au Creusot, à Lyon et à Saint-Etienne. Ils ne veulent plus fabriquer de munitions ni d’obus. C’est bien fait. Vous verrez que la guerre jamais ne finira autrement, c’est moi qui vous le dis ». Une enquête est immédiatement diligentée par le commissaire de police de Beaune, René Salmon. Il auditionne trois témoins, présents au café au moment de ces faits et le mets en cause. Le but est de vérifier si les propos rapportés ont bien été tenus et dans quel contexte. Dans l’affaire présente la conclusion du procès-verbal est sans appel : « nous avons pu établir que le nommé Charles Salomon avait réellement tenu les propos de nature à exercer une influence fâcheuse sur la population ».

Procès-verbal, propagation de nouvelles alarmistes, 6 décembre 1917, Beaune

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Procès-verbal, propagation de propos alarmistes et antifrançais, 4 janvier 1918, à Auxonne

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Dans l’affaire présente, Jules Emile Dumétier, marinier mobilisé, reconnait avoir prononcé au Café Perotti à Auxonne des propos alarmistes et antifrançais mais explique cela par le fait qu’il avait bu un petit coup »

Les militants pacifistes sont particulièrement surveillés. On a ici le cas d’un ouvrier de l’usine Terrot de Dijon, Antoine Barrey. Agé de 51 ans, il n’est pas mobilisable.

Fiche de renseignements sur un ouvrier métallurgiste

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C’est un ancien conseiller municipal socialiste. « Il est membre du parti socialiste internationaliste ainsi que de la libre pensée ». Syndicaliste, faisant « une active propagande dans les organisations féministes » et devant « être considéré comme pacifiste et partisan de la réunion de Stockholm ». Le but de celle-ci était d’essayer de rétablir la paix sans indemnités ni annexions.

Des enquêtes plus générales sur l’état d’esprit des ouvriers ont lieu dans les principales usines du département pendant toute la durée de la guerre.

Enquête sur le chantier et aciéries d’Auxonne

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(source: ADCO 1 M 231/232)