La Grande Guerre a marqué de façon indélébile les corps et les esprits. En Europe, au lendemain de la guerre, on compte environ 6,5 millions d’invalides, dont près de 300 000 mutilés à 100 % : aveugles, amputés d’une ou des deux jambes, des bras, et blessés de la face et/ou du crâne. Ces blessures s’expliquent par l’emploi massif des tirs d’artillerie, les bombes, les grenades. Le phénomène des tranchées où la tête se trouve souvent la partie du corps la plus exposée a multiplié le nombre des blessés de la face et la gravité des blessures. Les progrès de l’asepsie et les débuts de la chirurgie réparatrice permettent de maintenir en vie des blessés qui n’avaient aucune chance de survivre lors des conflits du 19e siècle.
Ces broyés de la guerre restent en vie, mais c’est pour vivre un nouveau cauchemar. Les regards, y compris parfois, ceux de leur famille, se détournent sur le passage de ces hommes jeunes, atrocement défigurés. Ils ont honte de se montrer, ils ne savent où aller. Ils sont sans travail et rien n’a été prévu pour eux. C’est la raison pour laquelle des associations sont créées le plus souvent par les anciens soldats et des œuvres sont instituées.
Brochure sur l’œuvre de rééducation gratuite de la parole et de la voix
ADCO SM 2384
Brochure de l’Association générale des mutilés de guerre
ADCO SM 2384
Cette association a été fondée en décembre 1915. Elle assure plusieurs fonctions. Elle renseigne directement chaque mutilé, organise un service de placement, assure la rééducation et la réadaptation professionnelle, procure les soins chirurgicaux et accorde des prêts sur l’honneur.
L’exposition « Face à face » se situant au mémorial de la Grande Guerre de Péronne est en quelque sorte une manière d’honorer une dette envers ceux qui sont partis au front.
Affiche de l’exposition « Face à Face »
A travers les récits, pièces et témoignages exposés, le spectateur peut se rendre compte de l’atrocité immense que fut la Première Guerre mondiale, tant au niveau physique que psychologique. La première Guerre mondiale a vu naître la chirurgie maxillo-faciale grâce notamment à des dentistes, des mécaniciens, des médecins et des chirurgiens restés célèbres dans l’histoire de par leur implication au service de la science. Ainsi, les avancées énormes qu’a vu naître la Première Guerre mondiale ont abouti par exemple en 2005 à la naissance de la transplantation faciale. Cela peut être considéré comme l’aboutissement d’environ 90 ans d’avancées médicales, où les Gueules cassées furent les premiers à bénéficier de cette assistance médicale.
Maurice Virenque (1888-1946) est l’un des premiers à avoir travaillé sur la chirurgie reconstructrice faciale. Sa thèse, en 1911, est le premier travail développé sur ce sujet. Quant à Hyppolyte Morestin, il est, avec le Néo-Zélandais Harold Gillies, le premier à travailler réellement au contact des Gueules cassées en tant que chirurgien. On pourrait également citer Alexis Carell (1873-1944) qui fut Prix Nobel de médecine et de physiologie en 1912. Son travail, également au service de la chirurgie faciale est l’un des travaux ayant grandement été au service de l’avancée scientifique. Henry Tonks fut un peintre et chirurgien (1862-1937), qui avec son savoir scientifique a réalisé une série de peintures des Gueules cassées, qui démontrent toute l’horreur qu’ont subi ces derniers. Ront (1870-1960) a rassemblé dans son cabinet de curiosités des têtes modelées des soldats mutilés et défigurés.
Soldat ayant reçu une chirurgie maxillo-faciale
Exposition « face à face »
À leur retour du front ces soldats ont été installés dans des hôpitaux spécialisés ou des services leur ont été dédiés comme notamment l’hôpital Lariboisière à Paris qui a accueilli de nombreuses gueules cassées, « les baveux » comme pouvaient les surnommer les civils à l’époque. Les blessés recevaient de nombreux soins et subissaient de nombreuses opérations pour essayer de leur rendre un semblant de visage, de normalité. Pour cela les médecins et chercheurs ont tenté de nombreux et différents types d’opération totalement novatrice dans le monde chirurgical. Ces opérations toutes plus ou moins réussies ont permis d’apprendre beaucoup aux chercheurs. La chirurgie maxillo-faciale était née.
Ces soldats étant en situation de handicap et ayant subi des blessures psychologiques, certains ne pouvaient plus travailler et avaient malgré les nombreuses opérations un besoin d’assistance médical permanant les empêchant de rentrer chez eux définitivement.
Le 21 juin 1921, à l’initiative de deux « grands mutilés», Bienaimé Jourdain et Albert Jugon, une quarantaine de soldats blessés au visage créent l’Union des Blessés de la Face, qu’ils surnomment les » Gueules Cassées » : Ils en confient la présidence au Colonel Yves Picot. Leur devise est » Sourire quand même « , leur arme, la Solidarité.