Nos recherches sur l’histoire de la famille Handzel nous avaient tout d’abord conduits aux archives départementales où nous avions eu des informations sur l’école primaire fréquentée par Marcel lors de son séjour dans le petit village de Sancé près de Mâcon en Saône-et-Loire. Puis, le 22 mars dernier, nous nous sommes rendus au village où la famille Handzel pensait être en sécurité. Là, nous avons rencontré Raymond et Suzanne Burtin, anciens camarades de classe du jeune Marcel, toujours émus -malgré les années- par la disparition de leur camarade.
Arrivés à destination, sur la place du village, nous découvrons tout d’abord l’école de Marcel ; il est intéressant de remarquer les inscriptions « Filles » et «Garçons » à l’entrée de la cour de récréation qui rappellent le découpage des classes qui s’opéraient, à l’époque, en fonction des sexes.
Nous nous dirigeons ensuite chez la famille Burtin ; leur générosité et leur convivialité nous mettent tout de suite à l’aise pour l’interview organisée dans l’optique de trouver des informations pouvant compléter les biographies des membres de la famille Handzel.
En premier lieu, Raymond, l’ami de Marcel présent dans la classe lors de son arrestation, nous raconte avec une précision terrifiante l’arrivée des soldats allemands : « On a entendu le bruit des bottes. Ils sont entrés dans la classe et ont embarqué Marcel. L’instituteur -Monsieur Lubin- était blanc comme un linge. Pourtant, cet instituteur, c’était un ancien militaire, très strict. Tous les matins, nous devions assister au lever de drapeau. »
Raymond avait le même âge que Marcel. Les garçons jouaient ensemble en toute sympathie. On ne savait pas spécialement au village que Marcel était Juif et on le voyait comme un copain avant de le voir comme un étranger.
« Un garçon gentil qui avait les mêmes jeux que nous. C’était un copain. Pour nous, il était comme les autres. »
Il était parfaitement intégré, tout comme sa mère qui travaillait très certainement comme couturière dans ce village à côté d’habitants fraternels arborant les justes valeurs de la France. Quant au père de Marcel, il était cantonnier pour la commune, nous dit R. Burtin mais il a été arrêté avant sa femme et son fils.
Scolairement, Marcel était un bon élève, discret et studieux, qui utilisait un français parfaitement maîtrisé.
« En classe, ça se passait bien pour lui. Il était calme et travailleur. Il parlait bien français. »
De plus, il n’était apparemment pas le seul écolier réfugié au village. Deux autres familles, d’origine polonaise, les Kaplan et les Mizuck, tout comme les Handzel, cherchaient un horizon plus tranquille que celui où ils étaient nés. Selon Suzanne, Me Kaplan et Me Mizuck faisaient d’excellentes pâtisseries et les femmes du village échangeaient volontiers entre elles leurs recettes de cuisine.
Les enfants Kaplan et Mizuck, eux aussi étaient de bons camarades de classe et de jeux. »
Plusieurs de nos questions tournaient sur Monsieur Lubin, l’instituteur de l’école autoritaire et sévère. Suzanne nous confie que cet homme lui inspirait de la peur ; selon Raymond, Lubin ne discutait jamais du conflit avec ses élèves. Il ne donnait visiblement pas son avis sur l’idéologie nazie et se contentait de faire la classe. Néanmoins, son humeur froide ne lui enlevait en aucun cas sa part d’humanité puisqu’il fût, comme tous les élèves de la classe, profondément choqué lors de l’arrestation de Marcel. En a-t-il reparlé avec sa classe ultérieurement ? Il ne semble pas, d’après Raymond Burtin.
Suzanne et Raymond, ne résidant pas dans le même quartier que les Handzel, ne connaissent pas plus de détails sur leur vie, sur Oscar, le père de la famille, ou encore sur les occupations du jeune Handzel chez lui. Néanmoins, ils se souviennent que Léonie -sa maman- allait au ravitaillement chez les Cordier, des agriculteurs à Chatenay, un hameau de Sancé et que les Handzel résidaient « rue de la Fontaine », en face du lavoir.
D’ailleurs, nous pouvons même imaginer que Léonie faisait, en ce point d’eau, les lessives de la famille.
Cette rencontre émouvante fut instructive et véritablement utile pour la suite du projet «Convoi 77». Suzanne et Raymond, visiblement encore émus par le destin tragique de Marcel, nous permettent de compléter nos biographies et nous les remercions vivement de l’aide qu’ils nous ont apportée.
Cette histoire -racontée par les anciens camarades de Marcel- démontre que la fraternité peut exister dans les moments les plus funestes et les habitants de Sancé ont prouvé de manière exemplaire que, peu importe la nationalité d’une personne, peu importe ses croyances, il reste un humain, un enfant, un camarade d’école.
Thomas Loisier
Merci pour l’histoire de ce couple, merci pour votre travail.