Il est arrivé un soir,
Juif parmi d’autres juifs,
– Inconnu parmi les inconnus –
Il est arrivé un soir
Avec vingt autres hommes,
Sa valise et sa peine
Courbant ses épaules.
C’était un être au destin banal.
Ou peut-être avait-il été quelqu’un.
Tu n’as rien livré de toi ;
Tu ne nous a pas parlé :
Passant discret, tu es passé,
A peine as-tu donné ton nom,
Et ton regard déjà atone…
On t’a couché
Et tu ne t’es pas relevé.
Tu es parti à midi
Le vent d’ouest hurlait.
Une charrette a porté à travers la plaine
Le pauvre cercueil de bois blanc,
Et quatre des nôtres ont suivi ton corps.
Tandis qu’un soldat en armes
Gardait le mort et les vivants
– Alors j’ai vu de furtives larmes anonymes de femmes –
Préludes aux larmes qui couleront ailleurs…
Enfin au cimetière,
Quelques prières,
Et les rituelles pelletées de terre…
Un juif à rayer sur les registres
Et c’est tout.
Je suis trop ému. La beauté et la souffrance digne de ce poème imprègnent mon esprit et me renvoient aux tristes souvenirs de mes inoubliables amis Claudine et Michel; Claude, Michèle, Jacob et Madeleine; les époux Nathanson et tant d’autres qui m’on confié, dans un moment d’égarement, leurs tristes souvenirs.
Jorge