Au petit matin, nous partons pour Auschwitz. Auschwitz. Ce nom tellement significatif allait bientôt prendre une nouvelle forme dans nos consciences. Durant des mois par le biais du projet Matricule 35494 nous avons pu suivre différentes étapes du génocide juif et tzigane : l’avant-déportation avec la visite de la maison d’Izieu, l’emprisonnement avec la visite de la prison de Montluc… Et enfin, nous arrivions au terme de ce voyage, de ce projet, nous y sommes, Auschwitz.
Un lieu, un camp de concentration et d’extermination : le plus grand complexe concentrationnaire du 3ème Reich. Nous sommes arrivés au terme d’un terrible voyage pour les déportés, un lieu inconnu que certains surnommaient « Pitchipoï ». La grandeur d’Auschwitz-Birkenau m’impressionne et me fait peur. Ils ont été des milliers à se retrouver comme moi apeurés par ces barbelés, ces miradors, mais ils, ces hommes, ces femmes, ces enfants, étaient sous les cris des SS, et les aboiements des chiens.
Silence. Dans notre groupe d’élèves seul le silence règne même dans les déplacements à l’intérieur du camp. Ce silence face à ces baraquements qui ont été témoins des souffrances endurées par les déportés pendant presque cinq ans d’existence du camp. J’ai une pensée plus particulière pour le « Block 10 » qui fut le théâtre d’ignobles expériences médicales pratiquées sur des innocents.
Chambres à gaz. Leur vision provoque l’effroi. Un crime contre l’humanité s’est produit en ces lieux. La mort a été industrialisée : 2 000 personnes pouvaient être tuées en 20 minutes. Ainsi sept grammes de Zyklon B suffisaient à ôter de la manière la plus cruelle et froide ces vies. Comment des hommes ont pu traiter d’autres hommes ainsi, oubliant et détruisant leurs identités ?
Häftlinge, ils étaient. Des détenus, à qui on a retiré toute identité, tout signe de vie passée. Seul un numéro les définissait aux yeux des SS. Ce numéro tatoué à jamais sur leurs peaux. Pour nombre des survivants, même après Auschwitz, Auschwitz était encore là, tache noire indélébile dans leur existence…
Winkel, ce triangle de couleur rouge, jaune, rose…leur indiquait leur motif de présence. Et quel motif ?! Ce qui reste le plus choquant à mes yeux n’est pas qu’on ait tué plus d’un million de personnes -ce qui est bien entendu un acte monstrueux- mais qu’on ait tué quelqu’un non pas pour ses actes mais pour son appartenance à un groupe social.
Innocents, des milliers d’innocents ont péri en ces lieux. Nous pouvons observer à la fin de la visite des murs exposant des centaines de photos, de visages d’hommes, de femmes et d’enfants. Pour la majorité d’entre eux, ils restent inconnus à ce jour. Non, les nazis n’ont pas réussi à effacer toute trace d’existence de ces personnes. Leurs visages, leurs sourires resteront à jamais figés à Auschwitz et surtout dans nos mémoires.
Témoigner. Des centaines de survivants ont déjà témoigné dans les livres ou les reportages consacrés à la déportation. Ils témoignent pour les groupes d’élèves également. Nous avons eu dans le cadre du projet la chance de recevoir le témoignage de Lili Leignel déportée à l’âge de 11 ans. Malheureusement, les survivants ne seront bientôt plus là pour témoigner et il sera de notre devoir de transmettre leur témoignage. Je suis convaincue que la visite du camp nous aidera à effectuer ce devoir de mémoire.
Zéro. Et pas un seul ne doit continuer à nier l’histoire. Je parle ici des négationnistes, qui nient l’existence du génocide juif et tzigane et plus généralement l’existence des camps de concentration. Auschwitz doit continuer à être visité par tous ceux qui le souhaitent, pour rendre à ces hommes, à ces femmes, à ces âmes à jamais l’hommage qu’ils méritent.
Portraits de victimes inconnues mais qui ne resteront pas dans l’oubli…
Marie Lévêque
Marie, tu as choisi une autre façon que le récit classique pour t’exprimer. Tes écrits nous vont droit au cœur. Dans les années soixante Jean Ferrat proposait de « twister » sur les mots, s’il fallait en arriver là pour ne pas oublier… Toi, tu as choisi la noblesse du poème. N’hésitons pas en 2016 à les « rapper », à les « slamer », si nécessaire, afin de ne jamais effacer cette tragédie et construire un monde humain. Sachant que cette construction est de notre responsabilité collective et individuelle.
Votre texte est très touchant, bravo !
J’adore ton idée Marie !
Bravo pour ce travail
Autre méthodologie remarquable de témoignage.Souvenez-vous,il faut éveiller et réveiller les consciences.
Ce magnifique récit montre que la qualité du projet permettra de compter sur vous aujourd’hui et surtout demain.
Bravo et félicitions
Avec vos mots, vous êtes devenue une ambassadrice de la Mémoire. Félicitations Marie.
Bravo Marie pour ce texte touchant. Comme les essais des autres élèves, je trouve ça vraiment remarquable pour de jeunes lycéens de mettre des mots et d’arriver à exprimer ce que l’on a ressenti, ( ce qui est loin d’être simple )
Pari réussi
Ton texte est très touchant et je voudrais en effet souligner la qualité et la profondeur des silences qui accompagnaient chacun de nos déplacements (longs parfois) à l’intérieur des camps. Lorsque nous croisions d’autres groupes durant ces marches, j’ai souvent observé chez eux une grande facilité à « décrocher » : les rires et les bousculades reprenaient bien (trop) vite le dessus. J’ai été très touchée de constater que votre recueillement ne prenait pas fin avec les commentaires des guides, et que vous aviez tous envie, ou besoin, de respecter ces longs silences.