Claudine naît le 13 décembre 1941 à Paris. Sa mère –Fajga (Fanny) Rotbart- a 23 ans ; son père, Jakob (Jacques) Oferman est présent, mais c’est Annette, demi-sœur de Claudine, qui se charge de déclarer la naissance à la mairie.
Claudine bébé (4-5 mois: avant son arrivée à Cluny) avec sa mère Fanny[1]
Au printemps-été 1942, Jacques qui a alors gagné la zone libre quelques mois plus tôt, organise l’arrivée à Cluny de sa femme et ses deux filles. Le passage est prévu dans la région du Creusot, peut-être à Montchanin-les-Mines. La veille, Fanny, Annette et la petite Claudine sont cachées par une employée d’hôtel, qui les sauve d’une patrouille allemande. Le lendemain le passage s’organise en deux étapes : Annette et sa demi-sœur Claudine, cachée dans un panier, franchissent de jour la ligne de démarcation, suivie par Fanny qui effectue le passage de nuit. La mère retrouve les deux enfants dans une ferme en zone libre, puis Jacques vient les chercher en taxi.
Commence donc la vie de la famille Oferman-Rotbart à Cluny, au 4 de la rue Prud’hon.
Claudine et sa mère Fanny à Cluny[2]
Le 27 février 1944, Jacques est dénoncé et arrêté puis, le 3 mars, c’est au tour de Fanny. Tous deux sont déportés à Auschwitz.
Les deux enfants se retrouvent seules et démunies. Grâce à la ruse d’Annette et d’une voisine -Me Lemière- les filles échappent cependant à l’arrestation. Toujours grâce à cette voisine, des résistants clunisois prennent en charge Claudine et Annette. Ceux-ci les emmènent à Mâcon où Annette confie sa sœur « en nourrice » à des religieuses.
Sachant sa sœur en sécurité, Annette réussit à rejoindre sa tante (Chana Szwarckopf dite Anjka)[3] et ses cousines à Paris. Puis, au printemps 1944, elle revient en Saône-et-Loire pour récupérer Claudine et l’emmène au château de Lamberval, là où sont cachées ses cousines, Mouny, Suzy et Rachel Szwarckopf.
Château de Lamberval
Le 26 décembre 1944, Claudine est récupérée à Paris par sa tante Anjka, la sœur de Jacques. N’étant pas en âge d’être scolarisée et sa tante ne pouvant plus s’occuper d’elle, sa tante Anjka la place dans une maison d’enfants dépendant du Foyer Ouvrier Juif, appelé « Château Rose[4] » aux Andelys, dans l’Eure et vient lui rendre visite toutes les fins de semaine.
En juin 1945, Fanny Rotbart est libérée et rentre du camp d’Auschwitz perturbée par sa déportation. Elle récupère alors sa fille, qui ne garde que très peu de souvenirs d’elle.
Claudine et sa poupée[5]
Mère et fille cohabitent un temps à l’hôtel Guynemer avant de se séparer afin que Fanny soit hospitalisée en Suisse. Claudine est alors placée non loin -à Aubonne- dans une famille protestante où sa mère vient la visiter une fois par semaine. Claudine garde de merveilleux souvenirs de cette période et a d’ailleurs retrouvé trace de cette famille. Ensuite, toutes deux rentreront à Paris où Fanny se remariera ultérieurement avec Abraham Heilikman, surnommé Max, qui élève Claudine.
Mariée une première fois, Claudine aura deux enfants.
Elle se remarie avec Michel. Avec beaucoup d’émotion, c’est à Gap, une ville entourée de montagnes, que je les ai rencontrés en cet automne 2015.
Claire Weymuller,
avec l’aimable participation de Karinne Rullière,
historienne et biographe de la famille Oferman-Rotbart.
[1] Archive privée, famille Rotbart.
[2] Archive privée, famille Rotbart.
[3] Chana (Anjka) est la sœur de Jacques Oferman. Grâce à de faux papiers, elle réussira à se cacher, avec ses filles. Son mari, Majlech, est déporté à Auschwitz en juillet 1942 et il est porté décédé en octobre 1942.
[4] Hazan, Katy. « Récupérer les enfants cachés : un impératif des œuvres juives dans l’après-guerre », Archives juives, 2004/2, (vol 37), p. 16-31. URL : www.cairn.info/revue-archives-juives-2004-2-page-16.htm.
[5] Archive privée, famille Rotbart.
Bravo pour cet article clair et éclairant sur la vie de ma maman Claudine…
On voit que la survie d’un petit être ballotté par l’Histoire, dépend de l’intelligence de certains, du grand coeur d’autres, et d’un peu de chance aussi !
Ce que je retiens, c’est une impression de solidarité que nous avons perdus en France, endormis par notre confort individualiste… peut-être que malheureusement, grâce aux attentats et aux nombreuses crises humaines, économiques et climatiques qui s’annoncent, cette solidarité renaîtra dans nos coeurs.
Bon courage la jeune génération, vous pouvez y arriver 🙂
Très touchée par ces portraits, de ma tante Fanny, surtout de mes cousines Chana et Claudine, avec lesquelles, nous, mes 2 soeurs Rachel, Suzy et moi-même, avons été et restons très liées. En 1945, après la libération de Paris, née en 1938, je n’étais pas beaucoup plus grande que Claudinette, mais je me souviens de cette 4ème petite soeur dont Maman Andja-Annette se chargea, plusieurs mois durant jusqu’au retour de sa Maman Fanny, et avec laquelle nous devions partager les quelques gâteries, rares en cette période de pénurie, mais aussi, les caresses et les baisers dont Maman, notre Mamechi, nous cajolait. Cette petite soeur qui n’avait pas sa Maman, nous l’aimions et l’aimons encore. Merci aux auteurs de ces textes émouvants qui nous replongent dans cette époque où la barbarie nous poursuivait. Se souvenir pour l’empêcher de revenir!
Merci Mouny pour votre émouvant commentaire. Ne pourriez-vous pas nous faire partager, via le blog, vos souvenirs d’une « fillette juive cachée » ?
Mouny Estrade-Szwarckopf, Mamechi. Souvenirs d’une fillette juive cachée, Les Monédières, 2009
Mouny Estrade-Szwarckopf et Paul Estrade, Un camp de Juifs oublié : Soudeilles (1941-1942), Éditions Les Monédières, Soudeilles, 1999, 246 p. ; 2e éd., 2000, 253 p.