Né à Cluny le 30 juillet 1924, Robert Gandrez travaille aux côtés de son père, boulanger au 36 rue Lamartine. Ce dernier alimente en pain les maquisards et héberge de nombreux résistants[1]. Ses deux autres fils, Henri[2] et Jean-Michel font également partie de la résistance clunisoise.
La bataille d’Azé
Engagé dans la résistance comme agent de liaison, Robert appartient au maquis du Cru, situé près de Blanot et placé sous le commandement de Laurent Bazot.
Alors que le poste de garde du Bois-Clair repère le 2 juillet 1944 une colonne allemande qui prend la direction d’Azé, Robert se porte volontaire pour aller prévenir le maquis de Saint-Romain d’une attaque allemande imminente. Il atteint son objectif et prévient ses camarades. Le lieutenant Guillaume (Claude Rochat) a le temps d’évacuer ses hommes, les documents et le poste émetteur. Sous le feu des Allemands, le maquis se retire du côté de Nouville. Quant à Robert, il reprend la route au guidon de sa moto mais il est arrêté par les Allemands dans les bois de Blanot.
N’ayant aucune nouvelle de son agent de liaison, le commandant Laurent Bazot envoie quelques hommes en reconnaissance du côté d’Azé, là où des tirs de mitraillette se font entendre. À la fin des combats que livrent les maquisards clunisois face aux Allemands, on dénombre dix blessés et quatorze tués dont Robert Lenfant, qui devait bientôt fêter ses dix-huit ans.
Sans nouvelle de son frère, Henri Gandrez part à sa recherche. Et c’est à Fragnes qu’il apprend que ce dernier a été emmené par les Allemands. Alerté ultérieurement par une jeune Mâconnaise que son frère est bien entre les mains de la Gestapo, Henri découvre que celui-ci a été torturé pendant quatre jours et ensuite fusillé à Varennes-les-Mâcon. Le jeune résistant n’aura pas parlé.
La peine de sa mère étant immense, Henri décide d’aller récupérer le corps de son frère au cimetière dans la nuit du 9 au 10 août. Avec la complicité du gardien des lieux et celle de M. Maillet, chauffagiste qui prête sa camionnette, l’opération réussit. La famille Gandrez, entourée des Clunisois et de toutes les délégations des maquis, a le temps d’organiser le 10 août de véritables funérailles à Robert.
La bataille du 11 août
La ville honore son héros mais, en début de soirée, le commandant Laurent Bazot est informé des mouvements de troupes allemandes qui se déplacent de Mâcon vers Cluny. Les Allemands ont en effet décidé de frapper un grand coup sur Cluny mais l’inconnue est de taille : par où arriveront- ils ?
S’ils gagnent la ville par la nationale 79, deux détachements d’hommes les attendent au Bois-Clair ; deux compagnies se positionnent à Cormatin et Massilly, deux autres à Azé et Vaux, un détachement de reconnaissance à partir du carrefour de la Valouze et des compagnies restent disponibles aux sorties Est de Cluny.
À quatre heures du matin, premiers contacts à la sortie de Verzé puis, à sept heures, à Bourgvilain.
À six heures trente, maquisards et Allemands s’affrontent pendant deux heures au Bois-Clair mais ces derniers font intervenir trois chasseurs qui bombardent la ville. L’incendie fait rage, des bâtiments sont entièrement détruits -telle la Tour des Fromages- et dix personnes trouvent la mort en ce jour fatidique.
Ébénisterie – menuiserie Alix, 11 août 1944[3]
De leur côté, les résistants subissent également l’attaque de l’aviation et seul le repli à la lisière des bois les protège.
« C’est à ce moment particulièrement critique que le sort du combat va tourner[4]. » En effet, des renforts arrivent avec les compagnies Girard et celles de Bergesserin qui réussissent à avancer vers Berzé-le-Chatel. Ayant installé treize fusils mitrailleurs, les maquisards font feu et les Allemands enregistrent des pertes considérables. À La Valouze, la compagnie de Sylla et une compagnie du régiment de Cluny rejoignent celle de Marizy et reprennent la position du carrefour ; de son côté, le bataillon du Charollais tient Bourgvilain et le col des Enceints. L’ennemi est enfin déstabilisé. À 17 heures, les Allemands se replient mais bombardent une dernière fois Cluny.
Hôtel Beaufort, place de l’abbaye[5].
Une heure et demie plus tard, le coup de grâce est presque donné : les résistants reprennent le col du Bois Clair.
À 20 heures, victoire totale. La défaite allemande est consommée et la libération de Cluny, décrétée le 6 juin, vient de se réaliser.
[1] Archive privée, Annie Dufy. Lettre d’Henri Gandrez à Danielle Mitterrand, 9 mars 1996.
[2] Henri Gandrez, refusant de partir au STO, se cache dans des fermes avant de rejoindre en mars 1943 le maquis du Cru qui vient de se créer.
[3] Archive privée, Annie Dufy
[4] Archive privée, Annie Dufy. texte dactylographié du colonel Loizillon, « La bataille du 11 août 1944 », 12 p., p. 8.
[5]Archive privée, Annie Dufy.
Chantal Clergue, CPE- photos Léa Aujal
Henri Gandrez a été mon supérieur hiérarchique du temps où il travaillait à Berliet-Algérie. Par pudeur et par discretion, il n’a jamais évoqué la mort de son frère ni son passé de résistant durant la guerre. C’était un homme au grand coeur, jovial avec un sens de l’humour inégalé. Je lui dois beaucoup car il m’a mis le « pied à l’étrier » au début de ma carrière en 1967-68. Quand il a quitté l’Algerie pour revenir à Venissieux, en 1968 je crois, il a été beaucoup regretté par ses amis au travail et ses voisins de Rouiba où il habitait depuis 5 ans. Il a fait partie de ces pionniers qui ont aidé l’Algerie après 1962.
Homme sensible à la condition des autres, surtout des plus démunis, il a été un directeur de conscience pour beaucoup. Mme Gandrez a également laissé un excellent souvenir à ceux qui l’ont connue. Je me souviens qu’il dessinait à merveille et aimait collectionner des fossiles et fléchettes préhistoriques qu’il ramenait de ses déplacements au Sahara. Je l’avais revu plusieurs fois à Lyon lors de mes déplacements chez Berliet. Il m’avait invité à lui rendre visite à Cluny après sa retraite mais je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre. Comme je le regrette aujourd’hui. J’aimerais bien acquérir les livres qu’il a écrits, mais ils sont introuvable car non réédités. Repose en paix cher Henri. Tu as marqué nos mémoires comme tous les hommes de bien.
Bonjour,
Auriez vous des noms ou informations sur des résistants de Massilly? J’ai un membre de me famille dont on connait très peu de chose qui était résistant et d’origine de Massily.
Merci pour ce récit qui explique bien comme le destin d’une commune dépend des individus, surtout, et d’un peu de chance, aussi.
J’ai relevé que les maquisards ne pouvaient survivre sans l’aide alimentaire qu’apportaient certains habitants. Eh oui, parfois, agir pour une noble cause, ce n’est pas forcément porter l’arme au poing, mais parfois, simplement donner du pain…!
Merci pour ce tres beau travail d’histore et de mémoire . Merci aussi pour votre courage en ces périodes troubles et troublées
J’y suis doublement sensible , en tant que citoyenne tout d’abord,et aussi en tant que membre de la famille déportée que vous sortez de l’oubli..
Bravo et encore merci.
Merci, aux anciens qui nous ont laissé des archives.