Le 9 et 10 novembre dernier, Mme Girbig s’envolait direction Düsseldorf, dans le but de rencontrer en chair et en os l’homme derrière le film, l’humain derrière la voix au téléphone. Dans ses bagages, elle a emmené à sa suite 4 élèves enthousiastes -et absolument reconnaissantes- pour vivre cette aventure un peu folle. Ne voulant pas paraphraser le superbe article qui a déjà paru, celles-ci ont cherché chacune à aborder une facette de ces deux jours haut en couleur et en émotion.
Tout d’abord, un point histoire : Qu’est ce que Düsseldorf et comment le nazisme s’est-il développé dans cette ville ?
Présentation générale
Düsseldorf n’est pas la plus importante ville d’Allemagne, loin s’en faut. Elle n’est pas un objet symbolique comme Berlin, ni une capitale financière comme Francfort, ni le porte-drapeau du commerce international allemand comme Hambourg ou Brême. Mais elle incarne cette culture rhénane si singulière qui fait d’elle, plus que jamais, un centre économique, industriel, culturel et artistique de premier plan.
C’est une ville de l’ouest de l’Allemagne et la capitale du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. C’est également la septième plus grande ville d’Allemagne avec une population de 601 074 habitants.
Elle fut érigée en 1288 et se trouve actuellement au cœur de la conurbation Rhin-Rhur. Elle est considérée comme la capitale de la mode en Allemagne et concentre les boutiques des plus grandes maisons de luxe. Ce qu’est Paris à la haute couture, Düsseldorf l’est au prêt-à-porter. De là son surnom « Petit Paris ».
Düsseldorf à l’ère du nazisme
En 1933, huit ans après la fin de l’occupation de la Ruhr par les Français, les national-socialistes prennent le pouvoir. A l’échelle du pays, ils remportent l’élection avec 43,9 % de voix, mais le pays du Rhin se démarque. En effet, dans cette région, les nazis obtiennent 10 % en moins, au profit des catholiques et des communistes.
Dès leur arrivée au pouvoir, les nazis renvoient le personnel administratif de la région qu’ils remplacent par leurs hommes : maires, préfets, chefs d’administration, etc … sont « forcés de démissionner ». Cette méfiance s’expliquerait probablement par le plus faible score nazi sur le territoire. De plus, on a également l’installation du deuxième plus grand quartier général de la Gestapo à Düsseldorf, dans le Hall de la ville en 1933, sous le commandement du chef SS Fritz Weitzel. Seule Berlin était en mesure de lui donner des ordres et son secteur d’action était étendu à toute la région du Rhin.
Ses missions étaient de surveiller, ou plutôt de pourchasser tous les dissidents à la politique en place, les confessions non autorisées ou tout simplement les gens différents : communistes, marxistes, socialistes, juifs, franc-maçons, homosexuels, handicapés, tziganes,… sont ainsi clairement déclarés comme indésirables.
La Gestapo de Düsseldorf avait le plus grand nombre de personnel après Berlin, toutefois, elle restait dépendante des délations de la population qui correspondaient à peu près à 26 % de ses renseignements.
Très vite, la ville connaît l’apparition de maltraitances et d’assassinats des populations indésirables, et ce, dès 1933. Entre 1933 et 1934, la prison compte plus de 2000 prisonniers dont une grande partie seront déportés, tout ceci étant rendu possible par la passivité de la société.
A l’image de toute l’Allemagne, une réelle économie de guerre se met en place dans la région du Rhin. On peut citer par exemple les subventions et les aides qui étaient accordées aux femmes particulièrement « pondeuses » ainsi que l’embrigadement très important de la population, et ce dès l’enfance, par les jeunesses hitlériennes.
Les nazis commencent à référer les juifs à partir de 1935 et c’est dès l’automne 41 que leur déportation commence, alors qu’ils sont parqués dans le Hall de l’abattoir de Düsseldorf. On compte 12 grandes vagues de déportations qui ont emmené à chaque fois un peu plus de 1000 personnes en moyenne dans différents camps, dont Auschwitz. D’autres, plus petites, avaient déjà eu lieu auparavant, plus précisément à partir de 1938.
Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, une vague de violence extrême se déroule dans toute l’Allemagne. Des centaines de synagogues et lieux de culte sont incendiés, plusieurs milliers de commerces et d’appartements juifs sont saccagés, les cimetières juifs sont profanés et les populations juives sont victimes de brutalités sans nom : c’est la nuit de cristal. Ces horreurs ne sont pas commises uniquement par des membres de la SA ou de la SS, mais également par des « citoyens ordinaires ». Ainsi, à Düsseldorf, des médecins de l’hôpital et plusieurs juges prennent part à l’incendie de la synagogue.
On avait à Düsseldorf, une poche assez importante d’homosexuels : tous furent exterminés. Ce n’est évidemment pas le seul crime nazi à Düsseldorf. On rapporte, par exemple, le sort horrible des personnes handicapées dans les hôpitaux qui furent envoyées à la mort afin de faire de la place pour les soldats. Des comportements inhumains tels que ceux-ci avaient alors lieu dans toute l’Allemagne, pour la gloire de la « race supérieure : la race aryenne ».
En 1940, la ville est bombardée par les alliés. On entre alors dans la dernière phase de la guerre. En 1943, le QG de la Gestapo de Düsseldorf est détruit. Ils déménagent donc à Ratingen. Après ce déménagement, les nazis se montrent encore plus radicaux. En effet, même une « bagatelle » comme ne pas faire le salut nazi entraîne des poursuites. Il y avait alors un nombre croissant de personnes considérées comme « EdelweissPiraten ». Cette dénomination désignait les groupes qui commençaient à se former en opposition au régime. Ceux-ci distribuaient des tracts et avaient des relations avec la résistance.
En 1945, peu avant la Libération, la Gestapo se met à assassiner les gens directement dans les prisons ou ailleurs (camps de transition par exemple) dans le but d’exterminer le plus de monde possible avant la défaite.
Le bilan matériel et humain est lourd à la fin du conflit. Il y a près de 5 000 victimes civiles, 50% des immeubles sont détruits et 90% du patrimoine immobilier est endommagé.
La reconstruction
Après la guerre, la ville se reconstruit et connaît un essor économique très rapide. Malgré l’implantation de nombreuses industries, Düsseldorf devient le centre administratif de la région, d’où son surnom « la secrétaire de la Ruhr ». Dés les années 1970 pourtant, la ville devient une métropole culturelle. Théâtres, opéras et salons de tous genres, Düsseldorf devient alors le centre international de la haute couture et de la mode que nous connaissons aujourd’hui.
En 1985, la ville de Düsseldorf décide d’établir un musée mémorial dans le hall de la ville dans Mühlenstrasse et elle ouvre en 1987 l’exposition « Persecution and Resistance à Düsseldorf 1933-1945 ». Depuis la ville organise régulièrement des commémorations pour rappeler encore et toujours l’importance du devoir de mémoire.
C’était donc dans le cadre de l’une de ces commémorations que Simha fut invité et que nous avons pu avoir la chance de le rencontrer et de visionner en sa compagnie le film magnifique retraçant son histoire.
Nous connaissons le décor, découvrons maintenant le personnage
Simha Arom natif de Düsseldorf et vivant aujourd’hui à Paris, est revenu dans sa ville natale pour assister à une série de commémorations pour la Nuit de Cristal. La Nuit de Cristal se déroula dans la nuit du 9 au 10 Novembre 1938 dans tout le territoire du Troisième Reich : une série d’attaques violentes envers les Juifs, de pillages, d’assassinats et d’arrestations. En effet, 7500 commerces, entreprises exploités par des Juifs ainsi que près de 200 synagogues et lieux de culte furent saccagés, une centaine de Juifs furent assassinés et 30000 Juifs furent déportés en camp de concentration. Pour Simha qui avait 8 ans aux moments des faits, la Nuit de Cristal reste pour lui 78 ans après un souvenir très douloureux : l’appartement de la famille Arom fut dévasté, les affaires telles que les meubles, la vaisselle jetées par la fenêtre. Pour lui ces commémorations avaient une signification particulièrement fortes » Il y a 78 ans ils mettaient les gens dehors, ils jetaient les affaires par la fenêtre et aujourd’hui une centaine d’élèves juifs défilent dans les rues, c’est unique. » Cette blessure, Simha ne souhaite pas l’évoquer mais il est en revanche très attaché à son métier, ethnomusicologue, dont il aime parler et qui a d’ailleurs fait l’objet du film de Jérôme Blumberg que nous avons eu la chance de visionner. Le métier de Simha a pour moi une résonance très forte quand l’on connaît son histoire, celui d’un enfant juif qui a fui les persécutions anti-juives, qui a dû se cacher et dont les parents sont morts en déportation. En effet, les nazis voulaient réduire le peuple juif à néant et faire disparaître toute trace de son histoire. Or Simha a consacré sa vie à rencontrer des populations, à découvrir leur musique et à les enregistrer pour que l’histoire, la culture de ces peuples ne tombent pas dans l’oubli.
Jasmine, Marie et Rivka
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_de_Cristal
https://de.wikipedia.org/wiki/Staatspolizeileitstelle_D%C3%BCsseldorf
http://www.rheinische-geschichte.lvr.de/epochen/epochen/Seiten/1933bis1945.aspx