1er décembre 2016. C’est une voix qui s’est tue et des yeux pétillants qui ne brilleront plus. Régine Jacubert, « l’insoumise », la résistante, est décédée, hier matin, chez elle, alors qu’elle allait fêter ses 97 ans, le mois prochain. Le nom de Régine Jacubert est indissociable de celui de son frère Jérôme Scorin, disparu, il y a quelques années. Tous deux échappèrent à la rafle des Juifs de Nancy, grâce au courage de policiers du Service des étrangers qui, au péril de leur vie, les ont prévenus du danger imminent et leur ont délivré de faux vrais papiers. Et le frère et la sœur ont toujours témoigné une immense reconnaissance au commissaire Vigneron et à Pierre Marie, faits Justes parmi les Nations par l’Etat d’Israël. Alors que leurs parents sont arrêtés à Bordeaux et déportés avec leur frère cadet à Auschwitz, d’où ils ne reviendront pas, Jérôme et Régine s’engagent dans la Résistance, à Lyon, au sein de l’Union des Juifs pour la résistance et l’entraide.
Arrêtés par la Gestapo, ils seront internés au fort de Montluc, en juin 1944, et passeront entre les mains du sinistre Barbie, puis seront déportés, dans le convoi 77, à Auschwitz. « Ils ne se sont croisés qu’une fois et se sont promis de se retrouver vivants. On s’attend à la sortie, se sont-ils lancés », témoigne Léon Herszberg, leur cousin. Mais avant de pouvoir s’étreindre à nouveau, Jérôme connaîtra 9 camps, tandis que Régine sera envoyée d’Auschwitz à Kratzau, en Tchécoslovaquie, où elle fut contrainte de fabriquer des grenades pour l’armée allemande. Jérôme rentrera en janvier 1945 et Régine quelques mois plus tard. Elle ne pesait que 29 kilos. Elle embrassa son frère, sans le reconnaître. Hébergés par la mère de Léon Herszberg, rue des Bégonias, ils se reconstruiront chacun en fonction de son caractère. « Jérôme est mort à Auschwitz. Il n’a jamais pu oublier les camps. La force de vie de Régine l’a emportée. Elle a fait sien l’adage : la vie est plus forte que la mort. Elle adorait danser au Rex », se rappelle Léon Herszberg.
Témoigner sur la Shoah
Dans les années 1980, Régine s’est décidée à témoigner sur la Shoah, face à la montée du négationnisme et de l’antisémitisme. Jusqu’à l’âge de 95 ans, elle est allée à la rencontre des collégiens et lycéens, impressionnés par ses souvenirs. Elle les a consignés dans un livre écrit avec l’universitaire Jean Hertz : « Fringale de vie contre usine à mort ». La petite Ryvka Skorka est devenue Régine Jacubert en épousant Henri Jacubert, ancien résistant dans le Vercors, lieutenant dans les FFI, décédé il y a 20 ans. Il lui a donné deux fils, Jacques et Serge, qui lui ont apporté la joie d’être quatre fois grand-mère et deux fois arrière-grand mère. Les obsèques de cette grande figure de la résistance, titulaire de la Légion d’honneur et de la médaille de la Résistance, auront lieu dimanche à 11 h, au cimetière israélite de Préville.