« Des Françaises à Ravensbrück » est une exposition de photographies de Marie Rameau, photographe. Cette exposition est le résultat de rencontres d’une cinquantaine de femmes résistantes et qui ont été déportées à Ravensbrück. Ravensbrück est un camp de concentration qui sera un bagne pour quelques 9 000 déportées françaises dans les conditions terribles que l’on imagine : le froid, les maladies, le travail forcé, l’épuisement jusqu’à la mort…
Marie Rameau dresse donc le portrait de femmes engagées dans la Résistance et déportées à Ravensbrück. On peut retrouver ces portraits dans un livre paru aux éditions Autrement en 2008 : Des femmes en Résistance 1939-1945. L’exposition réunit des portraits, des photographies, des objets fabriqués par les femmes au sein du camp, le témoignage de femmes résistantes jusque dans les camps de la mort.
À l’origine de tous ces travaux se trouve une femme qui a profondément inspiré Marie Rameau, celle qui l’a « mise face à l’Histoire » : Simone Le Port. C’est en quelque sorte le déclencheur de ce questionnement « Comment devient-on une femme résistante ? ». Simone cachait des réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire) -dont ses frères- en tant qu’agent de liaison dans le groupe B.O.A dans le Morbihan. Arrêtée le 16 avril 1944 probablement suite à une dénonciation, elle sera emprisonnée à Romainville dont elle garde un souvenir « terrible ». Elle est ensuite déportée à Ravensbrück où elle continuera son action contre l’occupant au péril de sa vie, en sabotant son propre travail dans l’usine Siemens où elle était affectée.
À la droite du portrait de Simone Le Port se trouve un autre portrait d’une grande figure de la Résistance entrée au Panthéon en 2015 : Germaine Tillion. Germaine a elle aussi fait perdurer l’action de résistance même après son arrestation. Tout d’abord à la prison de la Santé où elle reçoit par des sacs de linge des nouvelles de Radio Londres sur du papier de soie, qu’elle fait lire à sa voisine de cellule pour que ces nouvelles soient entendues par toutes les détenues. Puis à Ravensbrück où une formidable solidarité s’organise auprès des « lapins », ces étudiantes polonaises détenues pour être officiellement redressées mais qui subiront des expériences médicales. Les NN Françaises (Natch und Nebel) : celles qu’on veut voir disparaître dans « la nuit et le brouillard » cacheront les lapins dans les plafonds du Blöck 32 et prendront leurs places pour qu’elles échappent aux sélections, signes d’une mort certaine. Germaine Tillion conservera des photos des jambes atrocement mutilées des lapins et ce, jusqu’à la fin de la guerre : acte héroïque quand on connaît les conditions de détention des camps de concentration.
Enfin, ce qui ressort des portraits de chacune de ces femmes c’est la volonté de rester malgré tout des êtres humains dans un enfer concentrationnaire qui cherche à tout prix à les déshumaniser. Il faut ainsi continuer à penser, à écrire, à créer : il faut « organiser » des carnets, des objets. Elles possèdent des petites choses qui leur sont chères dans un univers où elles sont dépossédées de tout, même de leur nom. Je retiens cet exemple émouvant de Marie-Antoinette Pappé qui a reçu « le plus beau cadeau de Noël de sa vie » en 1944 lorsqu’elle reçoit un couvre-livre en caoutchouc organisé par ses camarades du commando d’Hanovre.
Ainsi, cette exposition est un formidable hommage de Femme à Femmes, contre l’oubli dans l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale de toutes ces grandes âmes qui ont lutté à leur manière et jusqu’au bout contre les nazis, au féminin.
Marie Lévêque
Une superbe exposition, merci à madame Rameau de nous avoir fait partager le récit (ou plutôt le calvaire) de ces femmes qui sont trop souvent mises de côté dans l’histoire de la déportation… Merci également à Marie pour son article de qualité !
Merci beaucoup Marie, pour ce magnifique et très sensible article sur mon travail. Je suis très touchée par la qualité de votre écoute, et par la fidélité de vos retranscriptions.
C’est du camp de Sarrebrück que Simone Le Port conserve le plus terrible souvenir.
Denise Vernay avait été, elle aussi, profondément bouleversée par la cruauté des gardiens de ce camp. Une de leurs compagnes face à l’horreur n’avait pu s’empêcher de s’exclamer: « Un jour ils paieront pour cela… » Intérieurement, Denise avait alors songé qu’il lui était impossible d’imaginer, une telle vengeance! Comment songer qu’un mari, un père ou un frère puisse à son tour devenir un bourreau… Comment penser que ceux que l’on aime pourraient à leur tour être les auteurs de telles exactions!
Merci encore,
Marie Rameau