Auschwitz : Le poids de l’histoire sur nos épaules

Arrivé le dimanche en fin de matinée en Pologne, l’ambiance est encore festive et, après une longue nuit de voyage, nous posons enfin le pied sur Cracovie. Pour beaucoup d’entre nous, nous avons encore du mal à imaginer que le lendemain était le jour fatidique de la visite du camp d’Auschwitz pour lequel nous nous préparions depuis des mois. Le trajet entre Cracovie et le camp me paraît interminable : nous roulons en alternance entre les grandes forêts de la campagne polonaise et les petites bourgades paisibles au milieu de nulle part. Arrivés à quelques kilomètres du camp, un léger voile brumeux se lève comme pour annoncer l’ambiance lugubre du lieu macabre dans lequel nous nous apprêtons à mettre les pieds.

Je reste sans mots

Arrivé quelques dizaines de mètres devant l’entrée du camp, j’ai encore du mal à concevoir l’endroit sur lequel je me trouve, noyé au milieu de cette foule cosmopolite de touristes, qui, comme moi, sont venus voir ce lieu si emblématique de la Shoah… C’est seulement après avoir passé le célébrissime porche de l’entrée du camp où est inscrit  »Arbeit Macht Frei », que l’ambiance devient véritablement lourde. Le casque audio émet la voix de notre guide francophone qui nous fait déambuler à travers les dizaines de baraquements de cette ancienne caserne militaire polonaise transformée par les nazis en camps de concentration. J’ai du mal à suivre la visite et je suis perdu dans mes pensées au milieu de ce camp où tout est si géométriquement ordonné ; les barbelés me donnent le sentiment d’être pris au piège dans ce lieu où je ressens tout le poids de l’histoire sur mes épaules… Nous courons de baraquement en baraquement, d’exposition en exposition, d’horreurs en horreurs ; je reste sans mots devant les centaines de valises des déportés, devant les tonnes de cheveux collectés.

Le moment le plus fort de cette triste matinée reste la visite de l’une des chambres à gaz, engloutie quelques pieds sous terre. Dans cette grande salle sombre, l’ambiance est indescriptible.  Je ne peux m’empêcher de penser aux milliers de personnes qui ont perdu la vie à cet endroit précis. Les marques de griffure contre les murs n’épargnent pas mon imagination et me laissent deviner l’infinie douleur que les déportés ont endurée pendant les dernières secondes de leur vie… C’est l’esprit paralysé par cette sensation glaçante que nous passons dans la salle des fours crématoires, le lieu qui mettait sans doute fin aux supplices des corps dans les flammes.

image00Photo Auschwitz 

Birkenau

La deuxième partie de la visite se déroula dans l’immense camp de Birkenau. Tout comme pour Auschwitz, je suis frappé par la symétrie du lieu sauf qu’ici, il ne reste presque  plus que des fondations de baraquements. Des ruines, des miradors, des barbelés s’étalant jusqu’à perte de vue me donnent une fois de plus le sentiment d’être pris au piège dans ce camp de la mort…

Grâce aux dizaines de bâtisses encore debout, je comprends réellement quelles étaient les conditions de vie des déportés, et m’imagine surtout l’horreur de leurs vies quotidiennes, entre travail forcé et humiliations infligées par les Nazis. Mais le moment le plus fort de cette deuxième visite reste la célèbre place sur laquelle les trains étaient déchargés de leurs cargaisons humaines.  Je ne peux m’empêcher d’imaginer la panique de ces gens qui pouvaient enfin respirer de l’air pur après plusieurs jours de voyage mais qui ne se doutaient pas que leur mort arriverait dans les minutes qui suivent.

Cette grande place est aussi impressionnante par son emplacement central dans le camp : ainsi elle devait permettre d’emmener rapidement les déportés dans les différentes chambres à gaz réparties aux quatre coins du camp pour un rendement maximal. Cette notion d’usine de la mort me donne des frissons pendant quelques secondes. Une fois de plus je tombe dans l’incompréhension la plus totale : comment la folie humaine peut-elle aller si loin ? Comment des hommes ont pu se rendre complice d’un tel massacre ?

image01Photo Birkenau

Rendre hommage et devenir plus humain

En allant à Auschwitz, j’avais peur de rester insensible face à ce lieu terrible ; j’avais peur d’arriver face à un champ de ruines qui n’avait plus qu’une valeur symbolique… Pourtant, aucun lieu jusqu’ici ne m’a autant glacé le sang, aucun lieu ne m’a apporté autant de visions d’horreurs que ces deux camps d’Auschwitz-Birkenau. La visite de cet endroit m’a aussi permis de rendre un hommage aux centaines de milliers de personnes assassinées dans des conditions atroces et de voir cet endroit dont l’existence est encore et toujours remise en question par des personnes toujours victimes de la bêtise humaine. La visite d’Auschwitz a réellement été une expérience bouleversante et elle m’a rendu à tout jamais, un peu plus humain…

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