Le premier génocide
En 1870, les Allemands débarquent en Namibie, attirés par les richesses du sous-sol de ce pays riche en cuivre et en diamants. À la tête de la colonie, Heinrich Goering, père d’Hermann Goering, décide alors de parquer les populations et de les réduire au rang d’esclaves. Terres et bétails sont confisqués.
Face aux colonisateurs, un petit peuple de bergers, les Herero, décident de résister. Pour contrer le soulèvement, ordre est donné de les exterminer s’ils ne veulent pas quitter le pays. Cherchant à se cacher dans le désert, les Herero meurent là de faim et de soif, les puits ayant été empoisonnés par les Allemands. 80% de la population est alors exterminée et seuls 15 000 Herero survivent, principalement des femmes et des enfants que l’on parque dans des Konzentrationlager (camp de concentration), terme employé pour la première fois en 1905. Là, les prisonniers sont tatoués GH (Gefangener Herero = Herero capturé), les femmes sont mises au travail, fouettées, violées. Le docteur Eugen Fischer, qui travaillera ultérieurement avec Joseph Mengele, commence des expérimentations médicales et stérilise les femmes pour éviter la mixité raciale, une obsession qui n’aura point de cesse sous le III Reich. Au bout d’une année, on dénombre 7 862 décès dans ces premiers camps de concentration.
Mais que ce soit en Namibie ou dans les autres pays colonisés comme le Togo, le Cameroun ou le Tanganyika (Tanzanie), les Allemands entretiennent des relations et fondent des familles. Si tel est le cas, une loi promulguée en 1905 interdisant déjà les mariages mixtes entraîne la déchéance des droits civiques.
Certains Africains décident alors de partir pour l’Allemagne, soit pour y poursuivre des études, soit pour y travailler. À Berlin, on compte avant 1914 1 800 Afro-Allemands et une petite colonie noire-américaine, tous déjà traités avec mépris. Mais, avec le traité de Versailles qui prive l’Allemagne en 1919 de ses colonies, le racisme anti-noir se renforce : les troupes françaises, notamment coloniales, occupent la région de la Sarre. Les Noirs sont alors décrits comme de dangereux criminels qui mangent les enfants et violent les femmes.
Les lois de Nuremberg pour les Juifs et les Noirs
En 1932, l’Allemagne compte 24 000 Afro-allemands[1] qui pour certains, quittent alors le territoire pour la France, l’Afrique ou les États-Unis. Pour ceux qui restent, les lois de Nuremberg s’appliquent à eux comme aux Juifs :
- Ils sont privés de leur citoyenneté allemande et leurs passeports sont confisqués
- Ils sont interdits de service militaire
- Ils ont interdiction de se rendre aux bains publics
- Les mariages mixtes sont interdits et on annule ceux qui ont été contractés précédemment
- Les enfants sont exclus des écoles et les étudiants des Universités
- Ils sont interdits de travail sauf à servir l’idéologie nazie en tournant notamment des films de propagande pour démontrer la supériorité de la race aryenne. Tatie Wanda en Ouganda en est un exemple.
La stérilisation forcée
En 1936, un pas de plus est franchi : le docteur Eugen Fischer -qui a déjà opéré en Afrique- rafle les bâtards de Rhénanie, c’est-à-dire les enfants métis : la moitié d’entre eux est envoyée en camp de concentration tandis que l’autre moitié est stérilisée puis cette opération-sans anesthésie- est étendue à l’ensemble des Afro-Allemands. Hank Hauck témoigne ainsi : « Nous avions la chance de ne pas être destinés à l’euthanasie ; nous étions seulement stérilisés. Il n’y avait pas d’anesthésie. Une fois reçu mon certificat de vasectomie, on m’a fait signer un papier par lequel je m’engageais à ne jamais avoir de relations sexuelles avec une Allemande[2]. » Après la guerre, aucun dédommagement ne sera accordé aux métis stérilisés de force et, à l’heure actuelle, ils ne sont toujours pas reconnus comme des victimes du national-socialisme.
La déportation
Les Noirs ne seront généralement pas déportés en raison de leur couleur de peau mais pour faits de résistance ou militantisme et il est impossible de connaître leur nombre car ils sont comptabilisés selon le pays où ils résidaient. Serge Bilé avance cependant le chiffre de 10 000 à 30 000 déportés noirs entre 1933 et 1944.
Lorsqu’ils sont à Dachau, Auschwitz ou Mauthausen, il est certain qu’ils subissent les pires brimades, les nazis tentant, par exemple, de blanchir leur peau à grand renfort d’eau et de savon.
Serge Bilé retrace dans son ouvrage quelques itinéraires de déportés dont il a réussi à retrouver trace et Rivka devrait prochainement poster un article très intéressant sur Carlos Grey, surnommé « le singe gris », déporté à Mauthausen.
Chantal Clergue
[1] Serge Bilé, Noirs dans les camps nazis, Editions du rocher / Le Serpent à plume, 2005. Chiffres donnés par Serge Bilé. L’ISD (Initiative des Noirs en Allemagne) estime leur nombre à 100 000.
[2] Catherine Coquery-Vidrovitch. « Des victimes oubliées du nazisme. Les Noirs et l’Allemagne dans la première moitié du XXe siècle », in Africultures, 2 août 2007.
Les Africains, des victimes de plus des Nazis… Mais aussi des grands héros pendant la Seconde Guerre Mondiale qui ont farouchement résisté et grandement participé à la libération (plus de la moitié des Forces Française Libres étaient issues de nos colonies Africaines). Merci pour votre article qui met en évidence des faits réels souvent trop mis de côté !
Très bon article, encore une fois merci !
Je vous ai déjà parlé du livre « Galadio », un roman fictif mais réaliste.
Et je viens de lire l’autobiographie de Theodor Michael : « Deutsch sein und schwarz dazu » (Etre à la fois allemand et noir).
Il a 92 ans et il a connu la discrimination, mais il est resté optimiste.
Pourtant, il se demande encore : « Wann endlich wird man meine Enkel nach ihrem Charakter beurteilen und nicht nach ihrer Hautfarbe? »
J’aimerais bien vous inviter à propos de sa conférence à Duisburg, dimanche 5 juin.