Il y a quelques mois, un stagiaire m’a raconté une blague sur Hitler. C’était plutôt une vanne.
Je ne veux pas la répéter dans ce cadre sérieux, mais je me suis demandé si on peut rire de l’horreur.
Ma réponse est simple : Oui et non.
On n’a pas le droit de se moquer des victimes, personne n’en a le droit.
Par contre, si une telle blague aide à comprendre l’irréparable, et surtout, si l’on se trouve soi-même dans une situation pénible, l’humour peut aider à survivre. Les mots peuvent devenir une arme pacifique, toujours et partout. Même dans la dictature du 3e Reich, l’humour (souvent noir) existait, sous une forme voilée.
Je dois avouer que j’ai sous-estimé la difficulté de traiter un tel sujet. Je ne me sens pas capable d’écrire l’analyse prévue. C’est par le biais d’une simple énumération que j’essaie de trouver des exemples et je laisse aux lecteurs le soin de les évaluer.
Pour commencer, j’ai trouvé une histoire que l’on se racontaient dans toutes les dictatures.
Une blague universelle, il fallait simplement échanger les noms.
Hitler, Göring et Göbbels nehmen ein Flugzeug und überfliegen ihr Land.
Hilter schlägt vor, 100 RM abzuwerfen, um jemandem eine Freude zu machen.
Göring antwortet, dass es besser sein, 2 Scheine zu 50 RM zu werfen, um zwei Menschen eine Freude zu machen.
Aber Göbbels möchte sogar 10 Scheine zu 10 RM hinaus werfen. Sie können sich nicht einigen.
Sagt plötzlich der genervte Pilot:
Wenn ihr nicht gleich ruhig seid, werfe ich euch drei hinaus und mache Millionen Menschen eine Freude!!
Hitler, Göring et Göbbels prennent l’avion et survolent leur pays.
Hitler propose de jeter un billet de 100 RM (Reichsmark) pour faire plaisir à quelqu’un.
Göring réplique que deux billets de 50 RM feraient plaisir à deux braves habitants.
Mais Göbbels préfère jeter 10 billets de 10 RM. Ils ne trouvent pas d’accord.
Le pilote énervé de répondre :
Si vous ne vous calmez pas, je vous jette tous les trois, et je ferai plaisir à des millions d’habitants !!
Bien après cette période sombre, on a tourné des films comme « L’as des as » (1982, Belmondo joue un boxeur qui sauve une famille juive, mais par malchance, ils rencontrent Hitler et sa sœur), ou récemment, « Er ist wieder da », (Hitler réapparaît et devient une vedette du showbiz, d’après le livre de Timur Vermes).
Avant 1945, tout était contrôlé et mis au pas en Allemagne. Aux États Unis, l’Anglais Charles Chaplin a réalisé son film « The Great Dictator » et Ernst Lubitsch (émigré de l’Allemagne) a tourné « To be or not to be », des chefs-d’œuvre du 7e art.
Bien sur, les cinémas allemands ne les ont pas présentés, mais on dit qu’Hitler avait commandé une copie pour lui-même.
En tout cas, les hommes politiques internationaux avaient reproché aux metteurs en scène d’exagérer. Après la guerre, ceux-ci ont dû reconnaître que la réalité, le mépris de l’humanité, dépassait toute imagination. Pourtant, en ridiculisant le Führer, les acteurs l’avaient déjà démasqué.
« Der grosse Diktator ». Während die Truppen des Diktators Hynkel das Nachbarland Austerlich besetzen, gelingt es seinem Doppelgänger, dem jüdischen Friseur Charlie, aus dem Konzentrationslager zu fliehen. Den Wächtern, die ihn verfolgen, begegnet Hynkel, der anstelle Charlies festgenommen wird. Charlie wiederum wird mit dem Diktator verwechselt und gezwungen, anlässlich der Invasion eine Rede zu halten. Er nutzt die Gelegenheit dazu, einen flammenden Appell für Frieden, Freiheit und Gleichheit aller Menschen an die Welt zu richten.
« Sein oder nicht sein ». Am Vorabend des Zweiten Weltkrieges muss sich auch die Warschauer Theaterwelt dem Naziregime beugen. Anstatt eines antinazistischen Stücks wird Hamlet wieder auf den Spielplan gesetzt. Als die Deutschen in Polen einmarschieren, begeben sich die Schauspieler in den Widerstand. In den deutschen Uniformen des Bühnenfundus drehen sie die tollsten Dinger: Sie machen Nazispitzel unschädlich, führen die Gestapo in die Irre und treiben ihre Aktionen auf eine gefährliche Spitze.Ernst Lubitschs berühmte Verfilmung ist ein bravouröser Balanceakt zwischen Grauen und Komik, politischer Satire und beschwingter Unterhaltung. Als das beißende Hohnlied auf Adolf Hitler und die Gestapo 1942 in die amerikanischen Kinos kam, ahnte der aus Deutschland emigrierte Regisseur nicht, welche Ausmaße die Naziherrschaft annehmen würde. Aber gerade die Leichtigkeit der Inszenierung und Genialität, mit der Lubitsch das Grauen mit Komik verquickt, ließen einen vortrefflichen Klassiker entstehen.
Mais c’était beaucoup plus difficile pour les artistes qui ont dû ou qui ont voulu rester en Allemagne, entre 1933 et 1945.
Certains d’entre eux se sont arrangés avec le régime nazi, tout en profitant des avantages qui leur ont été offerts.
D’autres furent condamnés. Pensons également à la « Bücherverbrennung » ou à ce terme « Entartete Kunst« .
Je veux parler de ceux qui ont eu le courage de prendre des risques à mort. On devrait mentionner quelques cabarettistes comme Karl Valentin et Werner Finck, mais ils devaient être plus ou moins prudents.
Un comédien bavarois, Weiß Ferdl, d’abord antisémite, devint critique.
Il a arrêté de sympathiser avec les nazis et a osé raconter des blagues révélatrices.
Sur scène, il raconta :
Er erzählte seinem Publikum, er wisse zwar sicher, dass 98 Prozent der Bevölkerung fest hinter dem Regime stünden, habe aber aus irgendwelchen Gründen das Pech, auf der Straße immer nur die übrigen zwei Prozent zu treffen.
Il dit qu’il sait que 98 % de la population soutiennent le régime, hélas, il ne rencontre que les 2 % dans la rue…
Voici l’anecdote la plus connue :
Er war kurz im Gefängnis, weil er eine Schweinefamilie vorstellte: „Sohn Mann, Tochter Mann, Frau Mann, Herr Mann“ (eine Anspielung auf Hermann Göring). Als er wiederkam, stellte er sie wieder vor: „Sohn Mann, Tochter Mann, Frau Mann − und wegen dem großen Schwein da saß ich im Gefängnis!
Il était en prison parce qu’il avait présenté une famille de cochons sur scène. « Fils Mann, fille Mann, Mme Mann, Mr Mann » (Herr Mann, une allusion à Hermann Göring). Après ce séjour involontaire, il recommença et présenta une famille de cochons : « fils Mann, fille Mann, Mme Mann et c’est à cause du grand cochon que j’ai été en prison ! »
Parfois, les rires restent coincés dans la gorge. Les comédies me font rire et me font pleurer.
Il en est de même pour les nombreuses caricatures. Mais cela dépasserait le cadre de ma petite réflexion.
Jürgen Donat – Libraire à Duisburg
Je suis très reconnaissant pour vos réponses. Oui, j’ai aussi pensé à Charlie.
Quant à Pierre Desproges, on lui doit la citation : « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde ». Moi, j’aurais simplement dit que les deux valeurs fondamentales, la liberté d’expression et le respect d’autrui, vont ensemble.
Et de surcroît, j’ai dû comprendre que l’humour juif est souvent très « sage ».
Finalement, si on rit des autres, on doit être capable de rire de soi-même.
Chouette réflexion !
Intéressant de voir aussi comment l’évolution de l’humour et de perception.
Pensons à Pierre Desproges qui pouvait débuter son spectacle par
« On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle ! …vous pouvez rester. N’empêche, on ne m’ôtera pas de l’idée que pendant la dernière guerre mondiale de nombreux juifs ont eu une attitude carrément hostile à l’égard du régime nazi. » (Pierre Desproges)
Il est vraiment compliqué d’imaginer un humoriste aussi cynique se produire en spectacle ou sur les antennes du service public.
Est-ce un progrès ? Il me semble plutôt que la création de tabous rendent toujours les sujets plus explosifs.
Est-ce, comme le disent les vieux mâles qui-ont-des-raisons-de-regretter-le-bon-vieux-temps, qu’on n’est plus capable d’un humour intelligent ? …Plutôt parce qu’on est devenu assez con pour tuer les caricatures.
Est-ce parce que les témoins directs des atrocités de la Shoah se feront de plus en plus rares qu’il faut s’arrêter de rire ? La dérision était-elle l’apanage des générations directement touchées par l’événement ? …et le devoir de mémoire nécessairement sérieux ? Peut-être qu’il faut distinguer agir par devoir de mémoire et conformément au devoir de mémoire. En d’autres termes, le devoir de mémoire, pour être sincère, doit être libre et libéré… Cela inclut toute forme d’humour, de débat, de prise de positions…aussi grinçantes soient-elles.
Intéressante réflexion sur « peut-on rire de tout ? » qui tombe à point nommé un an après Charlie.
Cette discussion a tout à fait sa place ici, à mon avis.