Le 18 juin 1940, le général de Gaulle rejoint Londres et lance depuis la BBC son appel à continuer le combat : « Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. »
Cet appel, Marie-Louise Zimberlin et son amie Marie-Louise Clément1 ne l’entendent pas, faute d’une coupure d’électricité sur le Fouettin mais, dès le 5 juillet, toutes deux choisissent leur camp : résister. Fin juillet 1940, M-L Zimberlin rejoint régulièrement la villa Dameron -située à côté de la Prat’s- pour écouter avec son amie Radio Londres et toutes deux diffusent oralement les nouvelles entendues.
En novembre, elles décident de diffuser des tracts -tapés à la machine- reprenant les discours de De Gaulle3 : « La sympathique « Miss » vous tenait, dans la rue, un bout de conversation, vous donnait un « shake-hand » dont elle avait appris le secret en Angleterre et un tract était passé de sa main à la vôtre.4 » En ville, d’autres groupes s’organisent et M. Meunier, professeur d’anglais examinateur aux Arts et Métiers, invite les deux Marie-Louise à rejoindre le mouvement Franc-Tireur.
Le moment est propice pour aller de l’avant ; en effet, on voit défiler à Cluny le 14 juillet 1941 une cinquantaine d’hommes devant le monument aux morts avec des V en ruban tricolore.5
1942, la lutte s’organise. Un chef du réseau Franc-Tireur demande aux deux femmes d’organiser une équipe capable de récupérer les armes des parachutages et une cachette pour 200 à 400 kg d’armes et de munitions. Se joignent à elles deux professeurs, M. Roux et M. Daget. Plus tard, la Zim accueillera dans son groupe son jeune collègue Albert Schmitt, tué à la bataille de Bourgvilain.
Malgré toute leur bonne volonté, rien n’est facile et Marie-Louise Clément raconte : « Une fois l’avion ne venait pas, une autre fois il ne trouvait pas le pré, une autre fois il jetait les armes aux boches.6 » Pour réussir, il faut s’allier et Franc-Tireur rejoint alors les autres mouvements de Cluny, d’autant que le maquis grandit de jour en jour8.
« Félicitations pour les fiançailles de Jacques » indiquait un parachutage pour la nuit suivante.
Jusqu’au début de l’année 1944, la Zim aide de toutes ses forces les deux groupes du maquis, fait l’interprète pour les Anglais, loge les responsables des mouvements régionaux, des aviateurs tombés en parachute et reçoit Berty Albrecht9 et Henri Frenay (1905-1988), à l’origine du mouvement Combat.
À la Prat’s, le portrait du maréchal Pétain qui orne les salles de classe est retourné chaque jour et, au verso, apparaît la Croix de Lorraine et la Zim aide ses élèves les plus âgés à échapper au STO10. Selon son collègue de mathématiques M. Roux, elle recueillait des cotisations généreuses qui permettaient aux jeunes réfractaires d’être hébergés par des cultivateurs. D’autres élèves, toujours grâce à son aide, rejoignent l’Angleterre.
Même avec les plus petits, elle ne peut cacher sa haine farouche de l’ennemi, obligeant ses élèves à tourner la tête lorsqu’ils rencontraient un allemand lors des promenades.
Février 1944. Depuis plusieurs mois la Zim raconte à ses élèves qu’elle se prépare pour un grand voyage jusqu’aux États-Unis. Sa valise est prête, leur dit-elle encore, et pourtant elle ne part pas…
1 Marie-Louise Clément est l’unique petite fille de Pierre Dameron.
2 Archives privées, C. Clergue.
3 La diffusion de journaux se poursuivra : en février-mars 1943, 50 numéros de Franc-Tireur sont distribués, 166 en juillet 43. Elles diffuseront également : Combat, Libération, Ceux de la résistance, le Populaire, Témoignage chrétien.
4 Souvenirs de M. Roux, professeur de mathématiques à La Prat’s.
5 Il s’agit du groupe résistant de Saint-Marcel.
6 Archives CHRD 71 : lettre de M-L Clément à Sophie Zimberlin, 19 avril 1945.
8 Deux groupes existent alors : le groupe AS de Jean Renaud et le groupe FTP.
9 Féministe, anticonformiste et antifasciste, Berty Albrecht (1893-1943) est une résistante française arrêtée à Mâcon. Elle se pend dans sa cellule pour éviter de parler sous la torture.
10 Seuls trois élèves partiront au STO.
11 Archives privées, C. Clergue.
12 Archives privées, C. Clergue.
Chantal Clergue – CPE
Très bel article Chantal, et très précis, documenté et pédagogique ! Bref, du vrai travail d’historien(ne).
C’est très motivant de se dire que dans le même lycée que nous , une femme comme elle a ainsi résisté
Bravo pour tout le travail accompli tant par le maître que par ces élèves. Continuez.
Quel courage ! Ces résistants sont admirables et je suis fière d’être dans un lycée et dans une ville ayant accueilli de tels actes de bravoure !
Très bon article
Merci Camille. MLZ mérite que son histoire prenne place sur le blog. Le prochain article traitera de son parcours de Montluc à Romainville.
Très intéressant; j’ai pu me remémorer ce qu’il avait été dit l’année dernière au cours des quelques discours prononcés par d’autres élèves sur la ZIM .