J’enseigne la philosophie pour laquelle Auschwitz constitue un élément de réflexion essentiel et récurrent. Il s’agit d’abord d’une expérience à laquelle se heurte la pensée parce qu’elle a fondamentalement ébranlé nos représentations morales et nous interroge sur notre humanité. Auschwitz constitue aussi un obstacle pour la pensée parce qu’il nous est très difficile de nous représenter et de nommer ce qui s’y est passé. Dans le même temps, l’extermination menée par le régime nazi a, par son caractère exceptionnel, mobilisé une quantité gigantesque de réflexions et de publications. Ces deux éléments mis bout à bout font qu’il nous est souvent difficile de mener une authentique réflexion sur ce sujet et d’aller au-delà de ce qui relève du simple cliché.
Le projet Auschwitz m’a donc d’abord intéressé parce qu’il nous donnera l’opportunité de donner du sens à ce phénomène que l’on a tant de mal à penser et nous permettra ainsi de mobiliser les nombreuses notions philosophiques qui y sont associées. Mais il m’a surtout intéressé pour son esprit. Le projet Matricule 35494 est en effet d’abord la marque d’un engagement : celui d’une équipe pédagogique associant CPE, AED et enseignants, mais aussi bien sûr l’engagement des élèves qui fourmillent d’idées, de réflexions et de curiosité. On trouve chez Platon l’idée que la curiosité (en tant que désir d’en savoir plus) est une disposition philosophique : en ma qualité d’enseignante, je suis heureuse de pouvoir l’alimenter à travers ce projet.
Frédérique Boissard – Professeur de philosophie