[…] » Adolescent, le dénommé Leucio s’était égaré après une escapade dans sa vallée natale, pour aller voir une fille. Il avait erré pendant trois jours. Surpris par un orage de fin du monde, il avait couru sous un ciel électrique et s’était réfugié dans une grotte. Là, il s’était retrouvé nez à nez avec un drago di tuono e di lampo, un dragon de tonnerre et de foudre.
Le vieux parlait, j’entendais sa voix de rocaille derrière celle, haut perchée, de la fillette. Il racontait un squelette immense, un corps qui s’enfonçait dans les ténèbres, si loin qu’on n’en voyait pas la fin, une tête étonnamment petite au bout d’un cou démesuré. Le dragon avait protégé le jeune homme de l’orage. Il lui avait parlé.
Une douleur rugissait dans mes veines, une vieille douleur que je connaissais bien. C’était la vie qui revenait, comme la fois où j’avais eu l’idée de prendre par le lac gelé pour arriver plus vite à l’école et que j’étais passé au travers. On avait mis un quart d’heure à me ranimer, le docteur avait même annoncé que, techniquement, j’étais mort quelques minutes. Je ne me souviens que d’un grand crac, puis de ce chien de sang qui revenait dans mes veines blanches. Je parle de cette douleur-là. […]
Jean-Baptiste Andréa, Cent millions d’années et un jour, L’Iconoclaste, 2019
Sélectionné pour l’Échappée littéraire 2020-2021 du Conseil Régional
Pascaline, journaliste d’un jour