« J’avais souvent rencontré dans ma vie, et sous des cieux divers, des nomades en marche. Mais les plus déshérités et les plus humbles avaient toujours un bagage, si pauvre et primitif qu’il fût, et porté par des animaux de bât, au moins quelques bourricots exténués. Les Masaï, eux, allaient sans un paquet, sans un ballot, sans une toile pour les abriter, ni un ustensile pour préparer la nourriture, sans une charge, sans une entrave (…) Ces femmes sous leurs cotonnades en guenille, ces hommes dénudés plus que vêtus par le morceau d’étoffe jeté sur une épaule du côté où ils tenaient leur lance – tous, ils allaient le rein ferme, la nuque droite et le front orgueilleux. Des rires et des cris violents couraient le long de leur file. Personne au monde n’était aussi riche qu’eux, justement parce qu’ils ne possédaient rien et ne désiraient pas davantage. »
Joseph Kessel,
Le lion,
Gallimard, 1976